5.2.1. Quatre types de contentieux électoraux
On distingue quatre types de contentieux électoraux :
- les contestations des décisions administratives préélectorales : répartition, par la Dreets, du personnel et des sièges entre collèges électoraux ; autorisation par l’inspecteur du travail de déroger aux conditions légales d’ancienneté pour être électeur ou éligible ;
- les contestations relatives à la liste électorale : élaboration, publicité, qualité d’électeur, etc. ;
Contestations portant sur l’ancienneté d’un salarié ou d’une catégorie de salariés, l’appartenance d’un salarié à l’un ou l’autre des collèges électoraux, la nature du contrat de travail des salariés, la capacité électorale d’un ou plusieurs salariés, l’appartenance d’un ou plusieurs salariés à l’entreprise au moment des élections…
- les contestations relatives à la régularité des opérations électorales ;
- les contestations relatives à la composition équilibrée des listes de candidats.
Il est possible de saisir le juge avant ou après l’élection (au plus tard dans les 15 jours suivant l’élection).
Avant l’élection, le tribunal judiciaire peut être saisi pour déclarer la liste irrégulière et reporter, le cas échéant, la date de l’élection pour permettre la régularisation de la liste litigieuse. Il est toutefois nécessaire qu’il statue avant l’élection.
Après l’élection, la constatation par le juge du non-respect par une liste de candidats de la proportion d’hommes et de femmes dans un collège entraîne l’annulation de l’élection des candidats élus en surnombre. Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats. Après l’élection, la constatation par le juge du non-respect par une liste de candidats de la règle de l’alternance d’hommes et de femmes entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus mal positionné(s). Si l’élection d’un ou de plusieurs élus est annulée, l’employeur devra organiser des élections partielles dès lors que les conditions requises sont remplies.
L’annulation de l’élection d’un ou plusieurs candidats pour non-respect des règles de parité est sans incidence sur le calcul de la représentativité syndicale uniquement calculée sur les suffrages exprimés au 1er tour des titulaires au CSE.
Contestations portant sur l’éligibilité, la composition des listes de candidats, la représentativité dans l’entreprise ou au niveau national d’un syndicat au regard des critères légaux et qui a présenté une ou plusieurs listes au 1er tour des élections professionnelles, l’effectif, l’organisation matérielle du vote, le décompte des ratures portées sur les bulletins de vote, le vote par correspondance…
Toute irrégularité dans la préparation ou dans le déroulement des élections n’entraîne pas systématiquement l’annulation des élections.
Elle n’entraînera l’annulation des élections que si :
- Elle est contraire aux principes généraux du droit électoral (secret du vote, présidence du bureau de vote…).
- Elle a pu directement influencer les résultats.
- Elle a eu une incidence soit sur le seuil permettant à un syndicat d’être reconnu représentatif, soit sur celui de 10 % que doit avoir atteint un candidat pour être désigné délégué syndical.
Les irrégularités suivantes sont susceptibles de conduire à une annulation de scrutin :
- absence de président désigné dans les bureaux de vote ;
- omission de l’employeur d’informer le personnel par voie d’affichage de l’organisation des élections ;
- absence de dispositif permettant l’isolement des électeurs ;
- défaut de conclusion du protocole d’accord préélectoral ;
- non-convocation de l’ensemble des OS intéressées à négocier le PAP…
5.2.2. Qui peut agir ?
L’élection peut être contestée par tous ceux qui y ont un intérêt, c’est-à-dire :
- les organisations syndicales représentatives, au niveau national, qu’elles aient ou non des adhérents dans l’entreprise, notamment quand elles n’ont pas été invitées à la négociation du PAP ;
- les organisations syndicales ayant des adhérents dans l’entreprise, même si elles n’y sont pas représentatives et même si elles n’ont pas présenté de listes de candidats ;
- l’employeur ;
- les électeurs appartenant au collège électoral dans lequel a eu lieu l’élection contestée.
Il convient de rappeler que :
- La section syndicale, dépourvue de personnalité morale, ne peut agir en justice.
- Le représentant d’un syndicat doit justifier d’un pouvoir spécial ou d’une disposition des statuts l’habilitant à agir en justice (sauf s’il est avocat). Le défaut de pouvoir de la personne ayant saisi, au nom d’un syndicat, le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections est une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte. La seule qualité de délégué syndical ne permet pas, en l’absence de mandat de son organisation syndicale, de la représenter en justice et de contester en son nom des élections (Cass. soc., 22 juill. 1985, n° 84-60.998 ; 2 juin 1993, n° 90-44.508 : RJS 7/93 n° 761).
- L’employeur ne peut en aucun cas se faire juge de la validité des élections, même avec l’accord des syndicats.
5.2.3. Dans quels délais peut-on agir ?
Les délais diffèrent en fonction de la nature du contentieux :
- Contestation de la liste électorale et de l’électorat : la demande est portée devant le tribunal judiciaire par voie de simple déclaration au greffe dans le délai de 3 jours après publication de la liste électorale.
- Contestation sur la régularité de l’élection : la demande est portée devant le tribunal judiciaire par voie de simple déclaration au greffe dans le délai de 15 jours après l’élection.
- Contestation d’une décision administrative préélectorale : la demande est portée devant le tribunal judiciaire statuant en dernier ressort dans les 15 jours.
Point de départ des délais :
- Contestation de la liste électorale et sur l’électorat : le délai de 3 jours court à compter du jour de la publication de la liste électorale, soit le jour de l’affichage de la liste.
- Contestation sur la régularité de l’élection : le délai de 15 jours court à compter de la proclamation des résultats. À noter qu’en l’absence de proclamation des résultats, le délai ne commence pas à courir et une action judiciaire motivée pourra être introduite à tout moment.
- Contestation d’une décision administrative préélectorale : le délai court à compter de la notification de la décision administrative ou, en cas de silence de l’administration, à l’expiration du délai de 2 mois suivant la saisine de l’autorité administrative.
Les règles de procédure civile s’appliquent au calcul des délais :
- Les délais d’introduction d’instance comprennent les jours ouvrables et les jours non ouvrables.
- Le jour de la demande ne compte pas.
- Tous les délais expirent le dernier jour à minuit ; cependant, le délai qui expirerait normalement un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Une fois ces délais dépassés, toute contestation, même justifiée, ne sera plus possible.
5.2.4. Quel tribunal judiciaire saisir ?
Le tribunal judiciaire dans le ressort duquel a eu lieu la proclamation des résultats peut être saisi par voie de simple déclaration au secrétariat-greffe.
La déclaration, qui n’a pas d’effet suspensif, doit indiquer :
- les noms, prénoms et adresses des parties, ou pour les personnes morales, leur dénomination et leur siège ;
- l’objet de la demande et un exposé sommaire des motifs.
La saisine du juge avant les élections n’entraîne pas de report automatique de la date des élections.
La saisine du juge après le vote ne modifie pas les résultats proclamés par le bureau de vote, jusqu’au jugement. Les candidats proclamés élus jouissent, en attendant, de toutes leurs prérogatives.
Le tribunal statue dans le délai de 10 jours et sans frais.
En cas de saisine, le tribunal judiciaire convoquera toutes les parties « intéressées », c’est-à-dire toutes celles qui, d’une manière ou d’une autre, sont susceptibles d’être concernées par l’annulation des élections.
Il s’agit notamment de :
- l’employeur ;
- les électeurs lorsque leur inscription sur une liste électorale est mise en cause ;
- les candidats voyant leur inscription mise en cause ;
- les élus dont l’élection est contestée ;
- les organisations syndicales intéressées…
Lors de l’audience, les parties sont dispensées de recourir à un avocat. Elles peuvent se faire représenter par un mandataire régulièrement muni d’une procuration (cette procuration devra être fournie le jour de l’audience) ou simplement remettre leurs conclusions écrites au tribunal. La procédure est orale.
La décision du tribunal judiciaire est applicable immédiatement.
En cas d’annulation des élections, l’employeur doit en organiser de nouvelles.
L’annulation ne vise pas toujours les élections dans leur ensemble : lorsque l’irrégularité relevée n’affecte qu’un seul collège, l’annulation ne doit viser que le collège visé ; lorsque les irrégularités commises concernent le 2nd tour des élections, l’annulation touchera seulement celui-ci et non le 1er tour.
5.2.5. Quels sont les recours possibles contre les jugements du tribunal judiciaire ?
Les jugements du tribunal judiciaire ne peuvent pas être frappés d’appel ; la seule voie de recours ouverte est le pourvoi en cassation. Ce dernier doit être introduit dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision.
5.2.6. Qui peut former un pourvoi en cassation ?
Le droit de former un pourvoi en cassation est ouvert aux parties qui sont intervenues dans la procédure devant le tribunal judiciaire et contre qui le jugement a été rendu ainsi qu’aux parties qui n’ont pas été convoquées devant le tribunal alors qu’elles auraient dû l’être.
La représentation par un avocat devant la Cour de cassation n’est pas obligatoire en matière électorale.