L’inspecteur du travail ne se limite pas à l’examen des motifs invoqués par l’employeur.
Il doit également apprécier si la demande de licenciement est discriminatoire ou en lien avec le mandat et si les motifs sont suffisamment graves ou importants pour justifier le licenciement (art. R. 2421-7 et 16 C. trav.). De plus, même si le motif invoqué est suffisamment grave pour justifier un licenciement, il apprécie l’opportunité du licenciement et peut, néanmoins, refuser de l’autoriser en fonction de l’intérêt général. Par exemple, le fait de maintenir, dans l’intérêt des salariés, une représentation du personnel dans l’entreprise ou de garantir une certaine paix sociale peut être un motif de maintien du salarié dans l’entreprise.
L’inspecteur doit donc veiller à la conciliation des différents intérêts en présence, sans porter une atteinte excessive à l’un ou l’autre d’entre eux. De plus, s’il soupçonne le moindre lien entre l’exercice du mandat et la demande de licenciement, il doit refuser l’autorisation. Enfin, l’inspecteur contrôle la régularité de la (des) procédure(s) de licenciement.
Il statue dans les 2 mois qui suivent la réception de la demande d’autorisation.
L’absence de réponse au bout de 2 mois vaut décision implicite de rejet de la demande.
3.5.1. Licenciement pour motif personnel (motif inhérent à la personne du salarié)
Il peut s’agir d’une insuffisance professionnelle, d’absences répétées ou prolongées pour maladie, d’une inaptitude physique… Concernant ce dernier motif, par exemple, l’inspecteur doit vérifier que le salarié peut être reclassé dans l’entreprise ou le groupe (entreprises situées en France) et si le CSE a bien été consulté.
En revanche, l’inspecteur n’a pas à rechercher la cause de l’inaptitude (ex : harcèlement moral) pour accorder ou non son autorisation (CE 20/11/2013, n° 340591). Mais il doit contrôler les efforts de reclassement (CE 16/04/21, n° 433905 et CE 19/07/22, n° 438076).
Pour obtenir des dommages et intérêts, le salarié doit se tourner vers le conseil de prud’hommes (Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 12-20.301 et Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-15.775), qui peut également indemniser le salarié protégé victime d’un AT et licencié pour inaptitude. Il peut rechercher si l’inaptitude avait une origine professionnelle (ex : manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité) ou non et, si oui, accorder au salarié les indemnités spéciales de licenciement (Cass. soc., 13 avr. 2023, n° 22-10.758).
Focus : Quel est l’impact sur le contrat de travail d’une faute commise par le représentant du personnel ou syndical dans le cadre de son mandat ?
Une faute commise dans le cadre du mandat ne peut pas, en principe, justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement. Ainsi doit être annulé l’avertissement notifié au salarié pour s’être absenté de son poste sans prévenir l’employeur en vue d’assister un de ses collègues convoqué à un entretien préalable à une sanction (Cass. soc., 12 janv. 2016, n° 13-26318). Cependant, l’employeur peut user de son pouvoir disciplinaire si le représentant a abusé de ses prérogatives ou a manqué à ses obligations professionnelles (Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-12.109).
Ainsi a pu être sanctionné (blâme) le représentant qui a eu un comportement violent au cours d’une réunion de CE (Cass. soc., 2 juill. 2015, n° 14-15.829). Le Conseil d’État adopte la même position que la Cour de cassation : le représentant du personnel peut être licencié pour faute s’il a violé une obligation découlant de son contrat de travail, par exemple, l’obligation de sécurité vis-à-vis d’un autre collègue ou l’obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur (CE 27/03/2015, n° 368855 et 371174, CE 29/06/2016, n° 387412), plus récemment sur l’obligation de discrétion (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-10.366).
3.5.2. Licenciement économique (motif non inhérent à la personne du salarié)
L’inspecteur du travail doit contrôler la réalité du motif économique dans l’ensemble des sociétés du groupe situées en France, ayant la même activité qui nécessite une suppression, transformation d’emploi, modification du contrat de travail refusée par le salarié, cessation d’activité de l’entreprise, réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, consécutives à des difficultés économiques (baisse des commandes, du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, importante dégradation de la trésorerie ou tout élément de nature à justifier de ces difficultés) ou à des mutations technologiques (art. L. 1233-3 C. trav.).
L’inspecteur doit également vérifier si le reclassement du salarié a été préalablement recherché (propositions écrites de reclassement dans l’établissement, dans les autres établissements et dans les autres sociétés du groupe en France) et si l’ordre des licenciements a bien été respecté.
En cas de cessation d’activité de l’entreprise, pour constituer une cause économique de licenciement, la cessation doit être totale et définitive (CE 25/10/21, n° 439722).
3.5.3. Licenciement pour faute
L’inspecteur doit examiner la matérialité des faits et vérifier que la faute commise par le salarié est d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement (fait contraire aux obligations contractuelles). Ainsi, par exemple, un agissement fautif du salarié intervenu hors de l’exécution de son contrat ne peut motiver un licenciement sauf s’il traduit une méconnaissance par le salarié d’une obligation de son contrat de travail (CE 04/07/2018, n° 408644). L’inspecteur doit prendre en compte les circonstances de l’espèce, le contexte de l’entreprise, la possibilité de maintenir le contrat en fonction de la faute, le comportement habituel du salarié, sa position hiérarchique dans l’entreprise… Le licenciement ne peut être autorisé si les faits s’expliquent par l’état pathologique du salarié (CE 03/07/2013, n° 349496).
• Faute commise dans le cadre du mandat
Le représentant du personnel peut être sanctionné ou licencié s’il abuse de ses prérogatives ou manque à ses obligations professionnelles (Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-12.109, CE 29/06/2016, n° 387412). L’inspecteur du travail doit vérifier que le comportement du salarié a eu des répercussions suffisamment graves sur le fonctionnement de l’entreprise.
En cas de faits commis au cours d’une grève, l’inspecteur doit rechercher s’ils sont d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement (ex : participation à la séquestration de dirigeants de l’entreprise).
• Refus d’une modification du contrat ou des conditions de travail
Aucune modification du contrat ni aucun changement de ses conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé, quelle qu’en soit la cause (jurisprudence constante ; ex : CE 10/10/22, n° 450849 et Cass. soc., 9 févr. 2022, n° 20-20.990).
Le refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas une faute et ne peut fonder une demande de licenciement. Dans ce cas, l’employeur doit le maintenir dans ses fonctions ou engager la procédure de licenciement. L’accord du salarié doit être exprès.
Attention toutefois, concernant la modification des modalités de rémunération variable d’un commercial, pour déterminer si celle-ci constitue une modification de son contrat de travail, l’inspecteur doit rechercher s’il résulte de ces changements une baisse de rémunération du salarié protégé. Le seul constat du changement de modalités de détermination de la part variable et du changement de segment de clientèle est insuffisant (CE, 12/04/23, n° 449229).
En cas de rupture conventionnelle, l’inspecteur du travail doit vérifier qu’aucune circonstance, en rapport avec les fonctions représentatives ou syndicales du salarié, n’a altéré son consentement. Harcèlement moral ou discrimination syndicale ne font pas obstacle, par eux-mêmes, à une rupture autorisée sauf si les faits ont vicié son consentement (CE 13/04/23, n° 459213).